Faire France de tout bois
2019 — 2020
De l'après-guerre jusqu'au début des années quatre-vingt, la France inscrit sa reconstruction sous le signe d'une modernisation économique, technique et sociale singulière. Le modèle français se construit progressivement par la planification et le service public. Tandis que l'urgence politique est au relogement de masse, les grands travaux voient le jour avec le déploiement de l'infrastructure autoroutière et ferroviaire. Progressivement, le maillage territorial, technique et administratif, assure la connexion aux campagnes et déclenche le développement national des grands plans touristiques. Près de la mer ou à la montagne, dans les campagnes ou dans les villes, dans les bassins sidérurgiques ou dans les prémices des premières zones commerciales, partout l'on parle de progrès. A ce moment là encore, les typologies urbaines et architecturales issus de l'altération politique du paysage français conférent à l'échelle locale une résonnance toute particulière dans l'horizon nationnal. Les utopies battent leur plein et la France se met en images : le pavillonnaire, la maison de campagne, le supermarché, le bistrot, l'immeuble fait de béton, la cité balnéaire, la station de ski. Et la mer aussi, que l'on voit aussi maintenant pour la première fois. Depuis le tournant néo-libéral opéré en France il y a quarante ans, les utopies se sont progressivement sédimentées jusqu'à leur oubli et leur extraction du réel. Partout dans le nouveau paysage français (devenu quasi-typologique tant les abords des villes et des campagnes tendent à l'homogénéisation) ne reste des outils déployés à l'après-guerre que des infrastructures et architectures désincarnées de toute substance politique. Faire France de tout bois c'est réaffirmer les utopies concrètes par l'archéologie des idées et du construit. C'est partir des récits propres aux géographies françaises et en extraire leur fragilité commune. Ici et là, derrière cet ordinaire qui a traversé le temps, il faut y croire, se cache la possibilité de la bifurcation radicale, d'une réappréhension politique de l'outil construit et planifié.

































